2 - L’enterrement - Les Malheurs de Sophie
Les Malheurs de Sophie
II – L’enterrement.
Ecouter
Camille et
Madeleine arrivèrent un matin pour l’enterrement de la poupée: elles étaient
enchantées; Sophie et Paul n’étaient pas moins heureux.
SOPHIE. – Venez vite, mes amis, nous vous attendons pour faire le cercueil de
la poupée.
CAMILLE. – Mais dans quoi la mettrons-nous?
SOPHIE. – J’ai une vieille boîte à joujoux; ma bonne l’a recouverte de percale
rose; c’est très joli; venez voir.
Les petites coururent chez Mme de Réan,
où la bonne finissait l’oreiller et le matelas qu’on devait mettre dans la
boîte; les enfants admirèrent ce charmant cercueil; elles y mirent la poupée, et,
pour qu’on ne vît pas la tête brisée, les pieds fondus et le bras cassé, elles
la recouvrirent avec un petit couvre-pied de taffetas rose.
On plaça la boîte sur un brancard que la maman
leur avait fait faire. Elles voulaient toutes le porter; c’était pourtant
impossible, puisqu’il n’y avait place que pour deux. Après qu’ils se furent un
peu poussés, disputés, on décida que Sophie et Paul, les deux plus petits, porteraient
le brancard, et que Camille et Madeleine marcheraient l’une derrière, l’autre
devant, portant un panier de fleurs et de feuilles qu’on devait jeter sur la
tombe.
Quand la
procession arriva au petit jardin de Sophie, on posa par terre le brancard avec
la boîte qui contenait les restes de la malheureuse poupée. Les enfants se
mirent à creuser la fosse; ils y descendirent la boîte, jetèrent dessus des
fleurs et des feuilles, puis la terre qu’ils avaient retirée; ils ratissèrent
promptement tout autour et y plantèrent deux lilas. Pour terminer la fête, ils
coururent au bassin du potager et y remplirent leurs petits arrosoirs pour
arroser les lilas; ce fut l’occasion de nouveaux jeux et de nouveaux rires, parce
qu’on s’arrosait les jambes, qu’on se poursuivait et se sauvait en riant et en
criant. On n’avait jamais vu un enterrement plus gai. Il est vrai que la morte
était une vieille poupée, sans couleur, sans cheveux, sans jambes et sans tête,
et que personne ne l’aimait ni ne la regrettait. La journée se termina gaiement;
et, lorsque Camille et Madeleine s’en allèrent, elles demandèrent à Paul et à
Sophie de casser une autre poupée pour pouvoir recommencer un enterrement aussi
amusant.
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